Commun: Difference between revisions
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"Quant à Dardot et Laval, il faut, je pense, qu’ils lèvent les ambiguïtés, pour certaines lourdes et pesantes, qui perdurent dans leurs écrits. | "Quant à Dardot et Laval, il faut, je pense, qu’ils lèvent les ambiguïtés, pour certaines lourdes et pesantes, qui perdurent dans leurs écrits. | ||
Revision as of 07:32, 21 January 2016
* Book: Commun: essai sur la revolution au XXIème siècle. Pierre Dardot and Christian Laval.
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In English: Common: An Essay on Revolution in the 21st Century
Critique
Benjamin Coriat:
"Quant à Dardot et Laval, il faut, je pense, qu’ils lèvent les ambiguïtés, pour certaines lourdes et pesantes, qui perdurent dans leurs écrits.
C’est qu’en effet on trouve un peu tout dans leur ouvrage, dont une énorme partie est une suite de fiches de lecture sans que l’on sache toujours dans ce qu’ils présentent ce qu’ils font leur et assument pour leur propre compte, et ce dont ils ne font que rendre compte. Il en est souvent de même de la deuxième partie de leur ouvrage, même si celle-ci est plus nettement « propositionnelle ». Ceci posé, si l’on va à l’essentiel, il semble bien que nos auteurs penchent pour une définition du commun entendu avant tout comme ce qui relève de « l’inappropriable » ; dans cet esprit le droit fondamental qu’ils souhaitent voir attribuer aux commoners tient dans ce qu’ils désignent comme un « droit d’usage ». Cette vison des communs présente à mon sens plusieurs limites et problèmes.
Sur le plan « descriptif » elle est extraordinairement réductrice, en annulant la très grande pluralité des formes à travers lesquelles se donnent les communs, comme la variété des droits (à travers les faisceaux de droits mis en place) que s’attribuent et se partagent les commoners. Ici le commun est une pêcherie avec accès réservé aux riverains, alors que plus loin c’est la mer elle-même qui est ouverte à tous si du moins les pêcheurs respectent les règles posées par les commoners. Ailleurs c’est à un accès partagé, universel et non restreint à une base de données (OpenStreetMap, Wikipedia) qui est la règle. Dans d’autres cas encore, l’accès est ouvert mais dans des conditions qui varient suivant la nature et le contenu des licences creative commons définies par ceux qui ont déposé les images (cas de la base de données de photographie Flickr). Enfin nombre de communs orientés vers la recherche et l’innovation (plateformes collaboratives de recherche…) sont réservés à des ayants droit ayant décidé de coopérer et de partager leurs travaux, alors que la plupart des journaux scientifiques qui se créent aujourd’hui sur le web, proposent un accès ouvert non borné. Pourquoi réduire tout commun à un couple inappropriable/droit d’usage ? Laissons vivre et se développer les communs ! J’ai envie de dire : que cent écoles rivalisent !... que cent fleurs s’épanouissent !... Au demeurant la théorisation proposée par Dardot et Laval (et dont ils font grand cas), penser le commun, et non les communs dans leur diversité est pour moi hautement problématique.
Sur le plan normatif, le couple (inappropriable/droit d’usage) est, disons-le, inquiétant. Bien que les auteurs s’en défendent, ce couple fait irrésistiblement penser au « vieux communisme », celui qui est définitivement mort, au plus tard à Berlin en 1990. En effet il suffit de mettre « socialisation des moyens de production et de vie» ou « propriété publique » à la place de inappropriable et « souveraineté populaire » (comme dans feu les démocraties du même nom) à la place de « droit d’usage » et nous voici rebouclés dans une histoire morte et enterrée. Une histoire d’échecs et de malheurs. Bien sur Dardot et Laval ont en tête une version largement révisée de tout cela. Une version en quelque sorte « conseilliste ». Mais leur refus obstiné de considérer que la propriété n’est pas le mal absolu, qu’elle peut revêtir une dimension « inclusive » (et non nécessairement et toujours exclusive), et leur hypostasie de la notion de « droit d’usage », pensé comme substitut à la propriété (et non comme un de ses attributs), tout cela nous plonge dans un univers singulièrement restrictif, à mille lieues de la réalité et de la vitalité des communs « réellement existants » et des promesses dont ils sont porteurs.
M’inquiète aussi terriblement qu’en Italie, certains auteurs, liés au mouvement des communs parlent désormais ouvertement et tranquillement de « beni-comunisti » (biens-communistes !...) à propos des biens communs. On ne peut je crois commettre plus tragique erreur que de ramener la vitalité, la puissance et la force du mouvement autour des biens communs, leur originalité et nouveauté historique irrépressibles, à cette histoire d’échecs et de défaites qu’a été le communisme depuis au moins les années 1970.
Je voudrais me tromper mais il faut que Dardot et Laval soient définitivement plus clairs. Et, à mon sens, ce n’est pas en portant l’accent sur ce qui est supposé constituer le commun, ou « l’agir commun », plutôt que sur les communs, la diversité de leurs formes institutionnelles (et donc juridiques), qu’ils mettront fin à l’ambiguïté." (http://www.contretemps.eu/interviews/ne-lisons-pas-communs-cl%C3%A9s-pass%C3%A9-entretien-benjamin-coriat)