La théorie du pair à pair en bref

From P2P Foundation
Jump to navigation Jump to search

POINTS CLÉS DU LIVRE : SAUVER LE MONDE, VERS UNE ÉCONIMIE POST-CAPITALISTE AVEC LE PEER-TO-PEER

Michel Bauwens, Éditions Les Liens qui Libèrent, 2015

Synthèse faite par Solange St-Pierre, juin 2015, disponible en ligne ici


«La production entre pairs est toujours une collaboration autour d’un objectif commun.» M. Bauwens


Le pair à pair est un nouveau modèle de production fondé sur des relations égalitaires et rendu possible par la venue des réseaux sociaux sur Internet. On parle d’une économie collaborative où l’Internet et ses réseaux permettent de créer collectivement quelque chose sans passer par les organisations traditionnelles et de contribuer ainsi à l’enrichissement collectif. Le livre de Michel Bauwens concerne la manière dont nous coopérons, partageons et produisons dans les réseaux et les communautés du pair à pair. Le pair à pair est une nouvelle structure sociale qui inverse le mouvement du droit d’auteur et des brevets ayant créé des barrières autour des connaissances humaines. La production entre pairs reflète un glissement de la motivation extrinsèque vers la motivation intrinsèque celle-ci ne devant pas être confondue avec l’altruisme car, dans la production entre pair, la recherche de l’intérêt personnel coïncide avec l’intérêt commun. En contribuant, par exemple, à Wikipédia vous contribuez à un bien commun quelle que soit votre motivation. La thèse de Bauwens est à l’effet que la venue d’Internet marque le début d’une nouvelle révolution de la productivité. Après avoir vécu la révolution de la société de classe, celle de l’esclavagisme et de l’époque féodale et celle du capitalisme, l’humanité entre maintenant dans la révolution des communs par le biais des nouvelles pratiques du pair à pair où chaque individu, quel que soit son statut dans une collectivité, peut contribuer à son développement.


LES CARACTÉRISTIQUES DU MODÈLE PAIR À PAIR

  1. Le système est modulaire et chacun choisit le ou les modules sur lesquels il va travailler. La production va ainsi plus vite. Cette caractéristique modulaire (ou granulaire) du système permet aussi d’attirer les meilleurs spécialistes pour chaque module car les personnes participent selon leurs compétences ou leurs champs de spécialité.
  2. Le système est anti-crédentiel. On n’a pas besoin de diplôme ou de références pour avoir le droit d’exécuter une tâche. QUESTION: Comment savoir avec le principe de la coopération volontaire si une personne a la compétence pour faire ce qu’elle fait?
  3. Le système est transparent. Il est facile de voir ce qui a été fait et par qui et aussi ce qui reste à faire (On dit qu’il est stigmergique).
  4. Les usagers deviennent des contributeurs car ils peuvent, en open source, changer le code source. Ainsi, le cadre et les limites traditionnelles entre ceux qui offrent et ceux qui reçoivent (ou ceux qui vendent et ceux qui achètent) n’a plus sa limite traditionnelle.
  5. On parle d’équipotentialité parce que tout le monde peut participer et qu’il existe forcément un domaine où chacun a une certaine compétence (on n’a pas besoin de posséder un doctorat pour mettre des points rouges sur une carte (p. 45)).
  6. D'un point de vue psychologique, la participation à des communautés permet de construire son identité. C’est important parce que la construction d’une identité sur une base professionnelle stable est de plus en plus difficile. La plupart des gens exerceront divers métiers au cours de leur vie. Aussi, être reconnu pour son apport particulier au sein d’une communauté devient une source importante de valorisation sociale.
  7. Il n’y a pas de structure de commandement mais plutôt une structure méritocratique où sont reconnues l’intégrité et la qualité des contributions. Dans certains réseaux, il peut y avoir une hiérarchie de contrôle mais ce système est toujours à risque car les gens qui exercent le contrôle (comme avec Wikipédia) n’en savent pas toujours autant que les contributeurs sur le sujet exploré.
  8. Tous les projets entre pairs ne sont pas gérés de la même manière. C’est l’objectif du projet qui va déterminer le type de gouvernance et les règles du groupe. Dans les projets entre pairs, les formes d’autorité sont souples et adaptées.
  9. On parle d’hyper-productivité, dans le sens d’une productivité supérieure à celle du système capitaliste, pour laquelle Bauwens formule quelques lois sous forme d’axiomes :
    1. Lorsqu'un système qui s’appuie sur la propriété intellectuelle fermée sans contributions libres, est en concurrence avec un système s’appuyant sur la propriété intellectuelle ouverte et les contributions libres, le second système évince le premier.
    2. Lorsque deux systèmes ouverts sont en concurrence, le système le plus ouvert l’emporte.
    3. Lorsque deux systèmes ouverts «communautaires» sont en concurrence et que l’un des deux systèmes passe une alliance avec une entreprise privée, ce système hybride a plus de chances de réussir.
  10. Il faut distinguer la production matérielle, requérant des machines et des outils, de la production immatérielle, celle des connaissances, devenue possible à partir du moment où les gens ont eu accès à des ordinateurs personnels acquérant ainsi leurs propres moyens de production. Il y a émergence d’une classe de travailleurs de la connaissance, sortes d’artisans pouvant consacrer leur temps, en tout ou en partie, à des projets qu’ils réalisent seuls ou avec d’autres.
  11. Il faut noter que les outils gratuits dont nous disposons actuellement n’existaient pas il y a dix ans (ex : Facebook, Skype, les Wikis). Le développement du Web est un puissant accélérateur de l’émergence des systèmes pair à pair.
  12. La flexibilité du système pair à pair est un signe précurseur d’une future société qui ne deviendra toutefois pleinement réalisable que lorsque tous auront accès à un revenu de base garanti. Commentaire : tant qu’il y aura des gens qui auront besoin de gagner leur vie, on devra en tenir compte dans nos projets «pair à pair».
  13. On peut développer, grâce à leur valeur d’usage gratuite, une activité commerciale autour des communs mais il y a toujours dissociation entre production et rémunération. Cette condition est nécessaire pour que l’on puisse parler de production entre pairs car le principe de base veut que le travail d’une personne produise quelque chose d’utile pour tous ceux qui vont utiliser ces communs.
  14. La production entre pairs bien que collectivement durable, ne l’est pas individuellement. Il est impossible d’investir bénévolement 100% de sa force de travail et on doit faire alliance avec le capital jusqu’à ce qu’il y ait émergence de systèmes de rémunération alternatifs. Certains vont alterner entre un travail salarié et des périodes de chômage où ils vont participer bénévolement à des projets et peut-être tenter de se réaliser en tant qu’entrepreneurs sociaux (Voir le commentaire au point 12).
  15. Il y a effet d’éviction lorsqu’un bien qui était offert par le don devient monnayable. La motivation des gens à donner correspond à une fonction sociale. Les gens le font pour aider. Mais, lorsque l’on commence à rémunérer des gens, les dons diminuent. QUESTION : Comment élaborer un système social qui permet la production entre pairs sans y introduire une logique capitaliste qui la détruit.
  16. Les produits développés en open source entrent en concurrence avec les autres produits offerts sur le marché. Il est naturel que l’on cherche à les intégrer en offrant des services conseils ou de la formation pour leur utilisation. Ces formes hybrides inévitables seront observables au cours des prochaines années, générant des phénomènes où les modèles capitalistes et pairs à pairs vont collaborer et s’influencer.
  17. La production entre pairs a toujours une composante locale et une composante mondiale à partir de ce qui est réalisé localement et des connaissances qui sont accessibles au niveau mondial. Les projets sont mondiaux dès qu’ils naissent et cette caractéristique a des effets sur l’identité du groupe.
  18. On parle de communautés d’affinités, pas de communautéslocales ou nationales. Ce sont plus que des communautés virtuelles car les gens communiquent par Skype, organisent des réunions et des conférences, voyagent… Cette interaction crée une identité collective.
  19. Les projets pairs à pairs sont ouverts, visibles et transparents pour tous. Tout est toujours ouvert, sauf décision contraire, alors que, dans les organisations traditionnelles, tout est secret, sauf décision contraire.
  20. Le modèle post-capitaliste du pair à pair prend forme au cœur du modèle capitaliste encore dominant et s’y développe parce que l’ancien système en fait usage.


DEUX MOTS CLÉS DE CE SYSTÈME : ÉTHIQUE ET TRANSPARENCE