Discussion sur le Revenu Garanti

From P2P Foundation
Jump to navigation Jump to search

Séminaire Multitudes / Revenu garanti, 3 juin 2006


Présents : Carlo Vercellone, une psychanalyste, Jean Zin, Yves Cochet, un économiste à la Banque de France, une rédactrice de la revue italienne Mille Piani, un chômeur de la Coordination des intermittents et précaires, un militant anti-CPE, Vincent Bonnet (chargé de cours en sociologie), Christophe Degoutin, Yves Citton, Jérôme Ceccaldi, Yann Moulier Boutang, Laurent Guilloteau, Anne Querrien, Jérôme Vidal, Giselle Donnard, Charlotte Nordmann (éditions Amsterdam) et quelques retardataires. Excusés : Antonella Corsani, Andrea Fumagalli.Emmanuel Videcoq

CR rédigé par Christophe Degoutin.


Yann Moulier Boutang :

Le séminaire vise à créer un groupe de réflexion sur le revenu garanti.

Il doit permettre de préparer deux publications : une Majeure de Multitudes (n°28, décembre 2006) et un petit livre chez Amsterdam (collection Multitudes-Interventions).

Il se trouve par ailleurs que le revenu garanti figure parmi les thèmes de campagne d’Yves Cochet et qu’il envisage de déposer à l’Assemblée une proposition de projet de loi dans ce sens. [Carlo Vercellone et Yves Cochet précisent que ce n’est pas une première : Christine Boutin en a déjà déposé une, en s’inspirant très largement des idées de Yoland Bresson.]


1. LE REVENU GARANTI : DEFINITIONS, NUANCES ET CLIVAGES


Carlo Vercellone :

Qu’est-ce que le revenu social garanti « de gauche » ?

Il se distingue des propositions de revenu « de droite », tels que le crédit d’impôt ou le revenu d’existence (Yoland Bresson, Christine Boutin).

Il trouve deux types de justification : par l’éthique (Van Parijs) ou par les transformations du travail et des modes de vie.

Les avis divergent quant à sa « faisabilité ».

Trois points cruciaux pour la gauche :

- le RSG (revenu social garanti) doit être une réforme radicale de resocialisation de l’économie, un renforcement de la protection sociale,

- il doit être d’un montant suffisamment élevé pour permettre une atténuation de la contrainte au rapport salarial (d’où un impact sur la faisabilité, si on ne veut pas toucher à la protection sociale existante : aux indemnités de chômage, aux retraites, à l’assurance maladie),

- il n’est pas envisagé comme une forme de redistribution, mais comme un revenu primaire, qui correspond à une participation directe à la production sociale. Il suppose une remise en cause des conceptions traditionnelles de la richesse.


Jean Zin :

Je le vois plutôt dans une optique de développement humain. Le revenu garanti comme mesure isolée n’a pas beaucoup de sens. Il prend son sens dans une alternative globale, qui passe par une relocalisation (ce que j’appelle, faut de mieux, des « coopératives municipales »).

Il faut donner aux gens la possibilité de valoriser leurs compétences.

L’objectif, aussi, en mettant l’accent sur ces possibilités de valorisation, est de faire tomber les objections des « travaillistes ».


Carlo Vercellone :

Je parlais à la fois d’un revenu primaire et d’un investissement de la société. Ce serait un moyen d’accroître la formation des gens, de réduire l’échec scolaire. Je vois beaucoup d’étudiants qui décrochent à cause de leur(s) boulot(s).


Jean Zin :

Si on cible trop, le revenu est assimilable à la demande du RMI pour les étudiants. Il faut voir l’ensemble, la dimension écologique, aller au-delà de la protection sociale. Le développement humain, c’est une optique très différente.


Yves Citton :

Il faut tenir compte du rapport avec la temporalité historique quand on parle de l’économie de la connaissance. On est en gros en 1790 : on entrevoit des choses comme l’industrialisation, mais il faudra attendre 50 ou 100 ans pour que ça se mette en place. Est-ce qu’on n’est pas en porte-à-faux en préparant un argumentaire qui vaudra dans 50 ou 100 ans ? On risque de paraître déphasé.

Autre argument : comment définir les droits ? La question peut paraître un peu bateau, mais il y a le problème des frontières : qui y a droit ?


Yves Cochet :

Il faut préciser la différence entre RSG et revenu d’existence (universel). Un argument parmi d’autres pour le revenu universel, c’est qu’il supprime la bureaucratie, le contrôle.

D’accord avec Jean Zin sur le développement humain et le niveau local.

Je suis plus réservé sur l’économie de la connaissance. J’y crois peu. J’ai une vision plus thermodynamique du monde, un peu datée peut-être. Le monde n’a jamais été autant industriel, tributaire des matière premières et des énergies fossiles (même si on le voit un peu moins depuis l’Europe, avec la délocalisation de l’industrie).

La poésie, la méditation et l’Internet, c’est sans doute mieux que l’industrie, mais Ce n’est pas pour tout de suite.

On pourra revenir tout à l’heure sur le chiffrage du revenu pour la collectivité française.


Anne Querrien :

Le revenu garanti correspond à une logique libérale au bon sens du terme : les gens eux-mêmes sont producteurs. C’est un moyen de sortir de la vision terrifiante, très courante chez les étudiants : on est né pour être employé.

Je suis sensible à l’argument « pas de contrôle » avancé par Yves Cochet.

Le revenu est lié à la production, pas à la consommation (ce qui était la logique de dépendance du socialisme, du welfare).

La question de la formation (initiale ou continue) est importante. Les syndicats sont incapables d’envisager que ça puisse diverger par rapport aux cadres. Mais je suis sceptique sur la piste de la relocalisation. Je pense à la Lorraine des années 70-80 où personne n’arrivait à envisager la moindre reconversion en dehors de la sidérurgie.

Il y a un grand retard de la France par rapport aux ouvertures en matière de développement humain. Amartya Sen est perçu comme un fou par l’administration. Le RSG « de gauche » peut être une percée là-dedans.


Militant anti-CPE :

Il y a la question de l’autonomie des individus. Elle n’existe pas actuellement. Les chômeurs ne savent pas tous quoi faire de leur temps. Ils ont besoin de formation. L’individu doit échapper aux structures de domination / aliénation.


Jean Zin :

L’autonomie, ça se construit, précisément.

Ok pour une universalité du droit. Mais peut-être une inconditionnalité « faible », comme le dit Alain Caillé : ne donner le revenu, par exemple, qu’à ceux qui le demandent.


Anne Querrien :

C’est exactement ce que fait le gouvernement en ce moment ! Regarde ce qui se passe avec Loca-Pass, pour l’accès au logement.


Yann Moulier Boutang :

La question de la conditionnalité est liée à deux choses : la sujétion salariale et l’activité humaine. Et les deux ne sont pas purement superposables.

Les doutes sur l’autonomie, c’est à peu près comme l’argument de droite sur l’assistanat. Ce qui crée de l’assistanat, c’est précisément ce qui n’est pas perçu comme un droit. Jusqu’ici, soit c’est lié à votre travail passé, soit c’est lié à la solidarité interprofessionelle (avec l’argument que ça repose sur les autres, que ça leur coûte, etc.). Dans les deux cas, ce n’est pas un plein droit collectif.

Antonella était pour l’inconditionnalité, elle réfléchit en ce moment à une forme de conditionnalité que je serais tenté d’appeler une « alterconditionnalité ». La seule condition serait que le revenu soit lié à quelque chose comme un programme d’auto-éducation (qui est très difficile à mettre en place).

Sur la question de l’autonomie, toujours, c’est certain que le workfare et l’edufare reposent là-dessus, sur les doutes à son égard.

Même chose pour l’universalité. D’accord avec Carlo pour ne pas foutre en l’air tout le système de protection sociale (chômage, retraite, maladie). On dit que le RSG est un droit. C’est important aussi pour sa faisabilité. En gardant le système de protection sociale, on passe par un premier pas.


Il faudrait faire un lexique sur quelques points :

- conditionnalité / inconditionnalité

- autonomie (en la distinguant du « capital humain » des libéraux)


Carlo Vercellone :

Il y a une double inconditionnalité :

- pas de conditions de ressources. Le RSG est cumulable avec d’autres revenus, mais jusqu’à un certain seuil. Au-delà, il est récupéré par l’impôt. Ca implique une réforme fiscale.

- Pas de condition en aval, selon l’usage qui est fait du revenu.


Jean Zin :

Comment faire passer un changement global pour une petite réforme ? C’est tout le problème.


Carlo Vercellone :

Dans l’estimation du RSG que nous avons faite avec Jean-Marie Monnier, nous avons limité la population adulte aux 18-60 ans. Il est inconditionnel dans cette tranche d’âge, et il s’accompagne d’une revalorisation du minimum vieillesse.


Laurent Guilloteau :

Sur la faisabilité politique : la gauche française flippe complètement devant une révolte fiscale à la californienne qu’elle est bien la seule à voir venir.

La tranche d’âge des 18-60 ans est assez problématique : l’âge légal du travail était de 16 ans, il vient d’être abaissé à 14 ans pour l’apprentissage et à 15 ans pour le travail de nuit. L’âge de la retraite va sans doute passer à 75 ans à très court terme. Beaucoup de gens sont privés du droit à la retraite. Beaucoup de 60-65 ans touchent le RMI, par exemple, en attendant d’avoir droit au minimum vieillesse.

Il y a un problème de cohérence. Soit on parle d’éthique, soit de capitalisme cognitif. Je veux bien, mais c’est difficile à superposer.

Et il y a d’autres questions infernales : tout ça, c’est totalement infaisable (la gauche est en train de supprimer des RMI dans des tas de départements). Ce qui est mis en cause aujourd’hui, c’est l’articulation d’un revenu de base et de salaires issus de l’emploi.

Il n’y a pas les forces sociales « politiques » ou « institutionnelles » pour défendre le revenu pour tous. Culturellement aussi, c’est impossible. C’est dommage d’avoir à expliquer que c’est pour le développement du capitalisme…


Carlo Vercellone :

Il y a deux oppositions majeures au RSG :

- l’argument travailliste (plus personne ne voudra travailler),

- l’argument de la faisabilité, ou alors on a une proposition libérale qu vise à démanteler le Welfare State. C’est l’argument qu’on s’est efforcé de démonter, sous certaines conditions, avec Jean-Marie Monnier, pour essayer de le faire passer aux yeux d’une gauche travailliste.


De mon côté, je refuse l’argument du RSG comme élément de stabilisation du capitalisme.


Yann Moulier Boutang :

On ne peut pas soutenir que c’est infaisable par les forces sociales, alors que tout va dans le sens d’un emploi à tout prix, comme pure source de revenu, en se foutant totalement de ce qui est produit. Il y a un vrai comportement de garantie de revenu, une exigence massifiée de revenu.

Il n’y a pas d’antinomie avec le capitalisme cognitif. On est peut-être dans l’acmé du capitalisme industriel, mais on n’est pas loin du décrochage. Toute une façon de voir le monde va changer très prochainement.

Il y a de nouveaux types de développement écologiques et le capitalisme se porte à la fois très bien et très mal. Il n’est pas menacé par un système alternatif, Chine comprise, mais il n’a aucun système de stabilisation. Des phénomènes extrêmement instables commencent à réapparaître : des guerres, des révolutions, comme au 16e siècle.

La réflexion sur le RSG n’est pas incompatible avec celle des gens qui veulent stabiliser le capitalisme cognitif. C’est le moyen d’achever le capitalisme industriel. Seul le capitalisme cognitif peut l’assumer.

Il faut anéantir le SMIC, faire s’effondrer tout un système de petite industrie et de commerce. Il y a une explosion des indépendants, des secteurs entiers qui sont condamnés à crever (sidérurgie, etc.). En Chine, au Bengladesh, au Brésil, on voit un boom des revendications salariales et de revenu, des mouvements très violents.

Le capitalisme cognitif est nettement préférable au pétrole et à l’industrie. On n’a cette polémique, sur l’incompatibilité du revenu comme argument révolutionnaire, que pour se rassurer.


Carlo Vercellone :

Le RSG pensé comme compromis qui va réguler le capital, c’est une erreur à la fois historique et économique. La protection sociale de l’après-guerre en Europe avait étét théorisée par tous comme une menace.


Yann Moulier Boutang :

Et Keynes ! et Roosevelt !


Anne Querrien :

Le revenu est pensé comme une version n+1 par rapport au non-travail. Il serait la condition pour une économie non « énergétivore », un système qui n’est pas la simple suite de la protection sociale d’avant. C’est une nouvelle ère.


Yann Moulier Boutang :

C’est la question du biorevenu d’Antonella et Maurizio, complètement orthogonal par rapport à la protection sociale.


Anne Querrien :

Le revenu social pensé comme complément du hors-travail.


Yann Moulier Boutang :

C’est surtout la question de la surveillance de la mobilité (cf Topalov). Speenhamland était appelé le droit à la vie : la possibilité donnée à des gens d’exister, de se mouvoir comme ils voulaient.

Les capitalistes cherchent toujours à fixer les pauvres pour contrôler leurs mouvements. C’est pour ça que je suis hostile à l’économie non monétaire de tout un côté des Verts, que je trouve très dangereux. Pour les pauvres, la question fondamentale, c’est de « cashiser » le revenu et pas le revenu en nature (les bons de transport s’en tiennent toujours au trajet du domicile au lieu de travail). Il faut monétiser plutôt que démonétiser (sauf si ce sont des SEL).

Il faut déterritorialiser, conquérir une liberté de mouvement. J’ai une grande réticence à accepter une forme de revenu qui ressemble à des formes de protection sociale.


Jean Zin :

Je serais plutôt pour la reterritorialisation, même si ça a des effets pervers. Tout en a.

Je suis pour les monnaies locales, pour dynamiser les échanges locaux. Les « coopératives municipales », ça permettrait de toucher le revenu et d’avoir des services. OK, il y a un risque de contrôle.


Giselle Donnard :

Ca ouvre la porte au clientélisme !


Laurent Guilloteau :

Il y a des prodromes de ça [= de reterritorialisation], une grande part d’autogestion des formes de revenu, comme dans la distribution des emplois aidés par les associations en Seine-Saint-Denis. Il faut créer des institutions depuis la base, mais ça ne veut pas dire « municipales ».

Il y a déjà aussi un grand clientélisme de la Ville de paris avec les Centres d’action sociale.

L’autonomie ne se construit que dans la capacité à nouer des relations. Il y a des choses à inventer dans ce sens, bien au-delà du cadre municipal administré. L’idée d’auto-organisation est largement diffusée.


2. FAISABILITE DU REVENU GARANTI


Yves Cochet :

J’ai testé la faisabilité d’un revenu individuel et universel (pour les habitants de la France). Voilà ce que ça donne. Ca n’a rien de définitif.

La France compte 62 millions d’habitants. En comptant 42 millions d’adultes auxquels on verserait un revenu mensuel de 650 euros par mois et 16 millions de moins de 18 ans auxquels on verserait 150 euros par mois, on obtient un coût mensuel global de 32 milliards d’euros.

Comment les trouve-t-on ? En opérant quatre retraits à ce chiffrage brut :

- Retrait par l’impôt. On reprend une partie du revenu garanti (les 650 euros mensuels) des travailleurs actifs, dont on estime aujourd’hui le nombre à 24 millions (26 millions, en réalité, mais on retire les CDD de trois mois, etc.). Ce retrait est proportionnel aux salaires : il est de l’ordre de 90% pour ceux qui touchent 1 500 euros par mois et peut atteindre les 100% pour les hauts salaires. Retrait global estimé à 16 milliards d’euros.

- Retrait du RMI et des allocations chômage. Retrait global de 3 milliards d’euros.

- Baisse de certaines allocations (de rentrée scolaire, familiales, logement). Retrait global : 5 milliards d’euros.

- Diminution de la bureaucratie, du contrôle : retrait global d’1 milliard d’euros.

Il reste alors à trouver 7 milliards d’euros par mois. On relève le taux de prélèvements obligatoires de 6 points, pour le faire passer de 44 (actuellement) à 50% (soit un peu moins que le taux actuel de la Suède, 51%).

Deux prélèvements :

- un recalcul total de l’Impôt sur le revenu des personnes physiques, par le haut (relèvement des taux) comme par le bas (tout le monde paie l’impôt, même s’il ne s’agit que d’un euro). Gain de 3 milliards d’euros.

- des « pollutaxes » [= écotaxes], sur le principe pollueur = payeur. Il s’agit d’une taxe sur l’énergie qui est en outre constamment croissante (d’une année sur l’autre). Gain de 4 milliards d’euros.

Précision : ce n’est qu’un calcul arithmétique, destiné à monter que c’est faisable d’un strict point de vue budgétaire.


Carlo Vercellone :

Que deviennent les 25 milliards d’exonération de charges ?


Jean Zin :

Il y a un problème : tout est pensé en termes de dépenses.


Yves Cochet :

Il faut coupler le revenu universel au PIB : de l’ordre de 1,8%.


Yann Moulier Boutang :

Ca correspond très exactement à Speenhamland : entre 1,7 et 2,2% du PIB. Et c’était aussi un système qui complétait les revenus salariaux.

C’est en fait une révolution politique plus qu’économique.


Jean Zin :

Yoland Bresson propose de commencer par un emprunt de l’Etat.


Yann Moulier Boutang :

C’est du délire ! Ca va profiter aux créanciers, coûter une fortune en intérêts à l’Etat.

Le revenu pourrait plutôt être vendu comme une dépense de stabilisation, comme Speenhamland, encore une fois, décidé en une nuit dans une auberge. Et retiré par crainte d’une extension hors du sud de l’Angleterre rurale, d’une reprise par Londres, etc.

C’est un saut beaucoup moins grand que le passage à la sécurité sociale.


Yves Cochet :

Et un saut moins grand que l’augmentation du SMIC de 30% en 68 (même si elle a été bouffée ensuite par l’inflation).


Jean Zin :

Mais il faut la guerre de 40 ou Mai 68 !


Yann Moulier Boutang :

C’est déjà là ! C’est quoi, novembre 2005 ? Et vous en verrez d’autres !

J’ai d’autres questions sur le modèle d’Yves Cochet. Qui de l’objection néolibérale sur le fait que c’est donné individuellement ? Guibert défend par exemple l’allocation familiale pour maintenir la natalité, pour qu’on ne se retrouve pas comme en Allemagne.


Yves Cochet :

Ca a une grande force, le caractère automatique [= individuel].

Et pourquoi pas un revenu maximal du travail ?


Yann Moulier Boutang :

Le système français d’imposition, c’est les unités ménages. Le problème, si on individualise, c’est qu’il faut revoir entièrement le système.


Laurent Guilloteau :

On s’enlise dans la gestionnite. Qui voudrait de 650 euros par mois ?


Yves Cochet :

C’est suffisant pour survivre, pas pour vivre, OK.


Yann Moulier Boutang :

Il faut monter ce niveau.

Mais la vraie question, c’est les retraites, la protection sociale. Elles sont actuellement construites sur la proportionnalité des cotisations et des annualités, avec des caisses complémentaires. Dan ce type de logique, l’Etat s’engage de manière uniforme – et aux partenaires sociaux de voir le reste. L’Etat ne devrait plus s’engager sur la [???]


Laurent Guilloteau :

Que devient la TVA, comment on la déduit ?


Carlo Vercellone :

Je suis parti sur la base de 700 euros par mois, la moitié du salaire médian, et pour les 18-60 ans. Le RSG est cumulable avec les autres revenus et soumis aux diverses formes de prélèvements. Ca passe par :

- la suppression des minima sociaux et de la prime pour l’emploi : 15 milliards d’euros.

- la suppression de l’exonération des cotisations fiscales : 25 milliards d’euros.

- l’accroissement de la progressivité de l’impôt sur le revenu et le patrimoine : 215 milliards.

- la taxe Tobin (sur les mouvements de capitaux).

- la taxe Keynes (sur l’ensemble des transactions financières, portant sur les titres).

- les « pollutaxes »

- la taxe Stieglitz (redevances, revenus sur l’usage des brevets).


En statique, ça donne la possibilité de boucler le budget. Il faut voir ce que ça donne en dynamique.


Anne Querrien :

A Genève, ils ont 650 euros de revenu garanti, su une base municipale.


Militant anti-CPE :

En dynamique, qu’est-ce que ça donne ?


Jean Zin :

Si ces gens produisent, c’est plus facilement finançable.


Yves Cochet :

Il n’y a pas d’effet de seuil. Tout le monde l’a. C’est une incitation à travailleur au moins un peu.


Yann Moulier Boutang :

Est-ce que le SMIC demeure ? La question, c’est plutôt d’avoir un vrai minimum horaire de travail.


Carlo Vercellone :

C’est très dangereux, la suppression des allocations chômage, dans le modèle Cochet.


Jean Zin :

Garder le SMIC, c’est inciter les gens à faire un travail autonome qui n’est pas lié au SMIC, en dehors du salariat et du productivisme. (???)


Anne Querrien :

Il y a actuellement une grande difficulté à développer le travail indépendant.


Yann Moulier Boutang :

Ce modèle doit permettre à ceux qui veulent vivre hors de la discipline salariale de s’en sortir. C’est très compliqué actuellement d’avoir une protection sociale pour des non-salariés.


Anne Querrien :

Il y a de graves problèmes de cumul actuellement.


Yann Moulier Boutang :

Il y a autre chose, avec ce système : il permet de cogner sur les subventions aux entreprises, les incitations à l’investissement, qui sont censées aller dans la poche des emplois et qui vont dans celle des entreprises.

Il faut investir dans la population avant d’investir dans l’emploi.

La France est actuellement le pays le plus intéressant, après la Chine, pour l’investissement en capital : forte productivité et faible rémunération du travail qualifié.


Anne Querrien :

L’Etat maintient le vieux capitalisme énergétivore.


Laurent Guilloteau :

Il y a le problème des aides au logement. Un tiers des SDF ont des emplois de merde, ça commence à se savoir, et pas d’accès au logement. C’est un problème pour les intermittents aussi, même s’ils sont mieux lotis.


Yann Moulier Boutang :

Mais le RMI et l’aide au logement ne sont pas des revenus permanents !

Il faut l’accès au crédit, au compte en banque, etc.


Jean Zin :

650 euros par mois, ça ne permet pas de se loger.


Laurent Guilloteau :

Un système de revenu bas, ça favorise les types de boulots genre rmistes chez Emmaüs.


Anne Querrien :

Mais les aides au logement servent à augmenter le coût des loyers, dan un système corporatiste et vicieux.


Jean Zin :

Il faut un vrai droit au logement, en plus du droit au revenu.


Carlo Vercellone :

Il faut toucher au patrimoine plus fortement.


Anne Querrien :

C’est le scandale des HLM, le pactole de la revente au privé.


Carlo Vercellone :

Le creusement des inégalités n’est pas lié aux aides au logement…

A quel type de distribution de revenu on aboutit ? Il faudrait voir de plus près.


Yann Moulier Boutang :

L’histoire du bouclage du financement du revenu n’est pas le vrai problème. Ce serait plutôt : vers quel type de protection sociale on va ? Beveridgien ou bismarckien ?

Il faudrait voir l’impact :

- sur les finances publiques. Sans concertation, Cochet et Vercellone/Monnier sont très proches.

- sur la protection sociale, avec l’objection des syndicats (articulation à l’emploi, paritarisme).

- sur les acteurs locaux. L’aide sociale représente 25% du budget de la Ville de Paris.


Il faudrait trouver des contributions sur ce que ça va modifier dans le système de protection sociale locale et globale.

Est-ce que ce niveau de revenu est une étape ? Jérôme Gleizes propose grosso modo un RMI inconditionnel.

Autre chose à laquelle il faut pouvoir répondre : l’impact sur le marché du travail. L’argument classique, c’est que ça fait exploser les entreprises, ça les met à genoux. Une possibilité de réponse, c’est qu’on s’en fout.

Qu’est-ce que ça donne par rapport au chômage, au travail temporaire, intérimaire ? Des convulsions fortes sont à prévoir si on coupe les subventions aux entreprises.

Que deviennent les organismes contractuels, type UNEDIC ? Quid du régime des intermittents ? Un système purement indexé sur les heures effectuées (à la prussienne) ?


Carlo Vercellone :

Si on présente un projet de loi, il faudrait le faire au moins dans trois pays : France, Italie, Espagne…


Yann Moulier Boutang :

Un pays nordique serait bien…


Anne Querrien :

On reste dans le système de protection sociale. Je ne sens pas la dynamique à moyen terme de cette présentation. Il faut qu’on sente l’investissement dans un nouveau système…


Yann Moulier Boutang :

Je verrais bien un numéro sur les attendus complets de cette proposition : assistanat, finances publiques, etc. On pourrait mettre en forme des objections et des réponses (pas forcément homogènes).

Il faudrait revenir sur le débat réforme / révolution à propos du revenu, cf. la discussion à Cambridge.

Et faire quelque chose sur la faisabilité.

Et puis une analyse des effets en boucle, des rétroactions. Identifier les flux, essayer de les quantifier. A titre d’hypothèse : tout n’est pas dans une stricte logique de coût/bénéfice.


Carlo Vercellone :

En bien ou en mal, l’atonie de la croissance en emploi en Europe est liée à une faible demande. Il y a un effet keynésien à prévoir avec la hausse du coût du travail liée au revenu garanti.

Il y a aussi la dimension du financement par création monétaire. Il est possible de le faire sans banque centrale.


Yann Moulier Boutang :

Les Américains ne sont pas au bord de la faillite, ils ont une richesse énorme en immatériels. Ils ont une hégémonie totale sur le capitalisme cognitif. Ils ont liquidé totalement leur sidérurgie.

Même en France, il faut voir les actifs immatériels de l’Etat, à commencer par la population. Il y a la possibilité de s’endetter largement. D’après les évaluations des compagnies aériennes, la vie d’un passager est estimée à deux millions de dollars.

Il faut constituer un groupe de travail sur la question. [Une feuille circule pour inscrire les mails.]


Yves Cochet :

Sur le périmètre et la faisabilité du revenu, on peut solliciter les assistants parlementaires.